La nouvelle aile comme interface
Cachée à l’intérieur d’un îlot urbain, la nouvelle extension du Musée de la photographie de Charleroi, prend racine dans le verger d’un ancien couvent de carmélites. Un parc, riche d'arbres remarquables repris à l'inventaire du patrimoine, complète ce paysage, isolé des regards et délimité par une enceinte. Aujourd’hui, un complexe sportif et une école communale s'adossent au mur de clôture, tandis que des jardins particuliers se heurtent à l'impressionnante maçonnerie.
En prenant place dans le parc, l’extension du musée invite les visiteurs à investir ce lieu, tout autant que les habitants. Le parc crée le lien entre trois fonctions sociales: l'enseignement, la culture et le sport. Son ouverture au public devient un enjeu de dynamique sociale et de mutation urbaine.
Comme pour interpeller le voisinage, l'extension se dessine en creux successifs générant des lignes de fuites vers les constructions voisines. Ces dernières deviennent ainsi les points de mire ou les fonds de scène d'une scénographie spatiale. Les formes multiples constituent des avant-plans prenant du sens par les relations qu'ils entretiennent avec le contexte (parc, habitations, équipements...). Les parcours intérieurs saisissent cette expérimentation extérieure et la restituent sous forme de regards multiples.
1+1 = 3
L'architecture joue de rapports intérieur/extérieur incessants et en subvertit les frontières: en traversant le hall vitré depuis l'ancien carmel, la déambulation se voit soudain projetée dans le parc; le porte-à-faux se creuse en un puits de lumière pour illuminer un sous-bois tapissé de fougères; le jardin d'hiver abrite des essences d'arbres fruitiers qui diffusent leurs parfums à l'intérieur du musée. Chaque espace constitue ainsi un lieu à part entière, tout en servant 'd'antichambre' pour les lieux qui lui succèdent. Des entre-deux, ou entre-lieux en quelques sortes.
Suivant la formule 1+1 = 1, l'extension s'inscrit dans la continuité du carmel pour ne former qu'une institution. La programmation du musée 'étendu' découle de six mois de maturation avec Xavier Canonne, directeur du Musée. Durant cette période, les fonctions se sont réparties entre les deux bâtiments dans un "effet de dominos": en déplaçant certaines fonctions existantes, d'autres ont pris leur place, et ainsi de suite.
Regards croisés
La transformation de l'ancien carmel en musée de la photographie a provoqué le basculement des logiques présentes dans le bâtiment: de l'interdit du regard pour raison de foi religieuse, nous passons à la révélation de l’image pour raison de société. Son extension défie les logiques muséales conventionnelles en multipliant les rapports à la photographie, à son histoire et aux multiples facettes de sa représentation.
Le porte à faux, une compétence technique
Par son dispositif constructif, elle constitue une première en Europe: l'usage de panneaux en bois massif contrecollés comme supports structurels du porte-à-faux, est le fruit de l'expérience du bureau de stabilité Weinand en matière de structures en bois particulières. Yves Weinand est professeur à l'EPFL de Lausanne et apporte à ce projet un savoir faire de niveau international.
C'est par le travail de Jeanine Cohen, que toute cette richesse prend son envol établissant un lien avec le ciel et avec la lumière. Glissée à l'arrière de fins profilés d'aluminium, des couleurs à peine perceptibles diffusent leur reflet au gré des heures du jour, suivant le parcours du soleil, et variant au fil des saisons. Travail photographique à part entière, cette oeuvre interroge autant le sens de la photographie que la question de nos sens. La peau lumineuse confère une légèreté aérienne à cette construction chargée de complexités et de découvertes.