Posted date
03.04.2023

En Hommage à Micheline Hardy

Micheline Hardy s’est envolée le 6 mars 2023
 
Elle était… Elle était fragile et géante. Micheline Hardy a quitté la scène, dans la douceur et l’apaisement. Fille de marin, elle était voyage permanent vers « ses lointains intérieurs ». Flamboyants voyages ! Amoureuse de l’absolu, elle était « Sturm und Drang », tempête et passion à l’instar de ces artistes allemands de l’après-guerre, ses frères.
Voici le chemin que pour nous elle traça, radicale et anticonformiste.
 
Grande actrice belge originaire de Verviers, Micheline participe dès les années 70 au renouveau du théâtre francophone par des rôles mémorables (Les larmes amères de Petra von Kant, Les Bonnes, Phèdre…) En 1970, elle co-fonde avec Marcel Delval le GAT (Groupe Animation Théâtre). Elle rejoint ensuite l’aventure de l’Atelier Sainte-Anne menée par Philippe van Kessel, futur directeur du Théâtre National de Belgique. Jusqu’en 2000, sa personnalité singulière irradie les planches. Elle est également dramaturge, auteure (Les ouvreuses de l’aventure) et metteure en scène.
 
En 1989, dans un ancien entrepôt industriel, elle fonde avec son grand amour, Olivier Bastin L’Escaut, une coopérative d’architectes qui ouvre d’emblée ses espaces aux expériences artistiques (théâtre, danse, arts plastiques) tant au niveau de la création que de la production. Scénariste, elle joue aussi dans de nombreux films belges. Pendant 6 années, elle est membre de La Commission de Sélection du Film où elle soutient la création cinématographique au sein du paysage belge francophone. Elle a aussi été membre du jury de sélection des prix Magritte du Cinéma belge et des Rencontres Théâtres jeunes publics de Huy. Elle initia pour lui rendre hommage et coécrivit avec Claire Diez la biographie de la première productrice de cinéma en Belgique, Jacqueline Pierreux, la dame qui osa le cinéma belge, en cours de publication chez L’Harmattan.
 
Micheline, tu es aussi, celle qui en 68, rejoignait Rudy Dutschke à Berlin pour le printemps des enragés de mai. Tu es cette actrice inclassable qui travaillait ses rôles jusqu’à la moëlle et extirpait de ton propre corps une version de ton personnage irradiante et insolite. Parmi les mémorables, souvenir de ton Agrippine dévorée par l’ambition donnant le sein à son adulte de fils, Britannicus, dans la mise en scène de Marcel Delval. Charme et intelligence de coeur, tu étais fine en négociations, notre « Mata Hardy » … Tu aimais Garbo, Dietrich, Fréhel, Hanna Schygulla et Arno Hintjens que toi, Micheline Wintgens, avait été trouver dans son appartement bruxellois. Tu aimais Enki Bilal qui t’avait dessinée avec cette coupe à la Lulu qui t’allait si bien, et puis Andréa Ferréol, devenue amie et complice. Tu voyageais entre souffrance et joie. Atypique, ton sens invétéré de la justice guidait tes révoltes. Tu aimais les cactus et les rats, les serpents et les mangoustes… Tu détestais l’avion, tes ailes poussaient à l’intérieur. Il y a tant à dire… Ton rire, ton insolence, ta gourmandise, tes doutes, ta défense enflammée des gens de l’ombre… Ta générosité et ta fidélité, toi qui te décarcassais pour les plus jeunes, Janick Daniels et Patrick Brull après les avoir dirigé dans Karl Valentin, Julie de Louveigné à Paris, Tara de Tournai à Londres, maintenant à Bruxelles, tes fiertés.
 
Olivier à tes côtés, tu as cessé de respirer. Ton voyage continue, loin de nous. Le Grand Imaginaire t’a ouvert ses bras. Tu t’y sentiras bien.
 
Claire Diez