TOO MUCH SYNCHRONICITY. IAIN SINCLAIR AND CHRIS PETIT AT L’ESCAUT

Etat des lieux par Adolfo Barberá del Rosal
 

Ils venaient de débarquer, les deux Londoniens, et c'était déjà trop tard. Il fallait rentrer vite avant que Bruxelles ne baisse ses rideaux. Marc, Patrice, Olivier et Tara avaient mené un travail extraordinaire de séquence (chaque vendredi de mars) et de connexion (des artistes en résonance chaque soirée).

Iain & Chris ont voulu que leur troisième film, Asylum (2000) – un film sur un mystérieux virus qui a anéanti l'histoire culturelle –, passe en premier. "Year Zero + 14", après le virus, ils restent des fragments, des images. Kaporal, un agent retraité, a été convoqué pour qu'il redonne un sens aux fragments d'un projet pré-viral, d'avant le Year Zero. Ces extraits de film montrent une jeune femme preneuse de son, l'agent Matthews, qui collecte des indices sonores au sujet de Françoise Lacroix, disparue au moment de la réalisation du film The Falconer. Il s'avère que l'agent Matthews voudrait réunir Lacroix avec sa jumelle – une initiative qui, d’après Sinclair, pourrait jeter le temps lui-même hors de ses gonds.

Asylum témoigne de ce moment précis de notre préhistoire contemporaine où le numérique commence à être vulgarisé mais coexiste encore avec l'analogique (vidéo numérique ré-filmée, super-8 mm et conception graphique "multimédia", comme on l'appelait jadis). Lors de la conversation qui a suivi, Iain & Chris ont montré jusqu’à quel point Asylum était déjà dans les années 90 une entreprise désespérée. D'où le sous-titre, The Final Commission, La Dernière Commande.

Le deuxième vendredi, la veille du confinement, Iain préparait son retour à Londres. Nous avons été quelques-uns (ce n'était pas une projection mais une séance, peut-être un oracle) à regarder The Falconer (1998), la deuxième collaboration d’Iain & Chris. Il y a une connexion avec Asylum The Falconer était conçu au départ comme un premier film dans une série qui devait s’appeler The Perimeter Fence, consacré à des figures marginales de la culture et des arts, notamment celles qui sont en dehors du "périmètre". Dans The Falconer, Françoise Lacroix est la fille du fauconnier. Elle disparait à la fin du film.

Tout devient clair. Il n'y a peut-être pas de logique, comme Iain & Chris l’avaient dit le premier vendredi au sujet d’Asylum, mais tout cela a du sens. Lacroix disparaissant à la Weldon Kees, sa voiture garée sur une jetée "sous le septième point de la M4". Matthews cherche Lacroix. La clôture du périmètre.

Beaucoup d’Horus dedans. The Falconer a commencé comme un projet de film documentaire autour de Peter Whitehead, une figure légendaire du très libertin Swinging London, mais très tôt la réalisation a muté dans un subtil travail d’exorcisme face à une entité maligne. Iain & Chris ont apprivoisé la bête. Chris parlant dans le noir, vue de profil, silhouette noire. Le fauconnier crachant sa rage vis-à-vis de Chris, car "il [Chris] désynchronise tout le temps l’image et le son". C'est Iain, le poète & conducteur du chaos, qui apporte une conclusion sereine, vers la fin du film, après la tirade de Kathy Acker, disparue un an avant la présentation du film (comme le poète Ed Dorn dans Asylum). C'est en fait Acker qui met en mots la nature sinistre du fauconnier et sauve Lacroix en l'aidant à se teindre les cheveux, en produisant une jumelle aux cheveux noirs. Un acte magique.

 

Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut. Au même temps que ces deux films (en quelque sorte des jumeaux qui fondent une grammaire du gros plan, du close-up) étaient projetés en hautLondon Orbital (2002) tournait en boucle en bas.

Après ces deux vendredis, l’arrêt, le confinement.

Le quatrième film, The Cardinal and the Corpse (1992), le premier de la série, nous attend à la rentrée.

 

Adolfo Barberá del Rosal

 

* Here you can listen to the postshow conversation between Iain Sinclair, Chris Petit and Adolfo Barberá del Rosal.
 

 

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aankomend

 

 

They had just landed, the two Londoners, and it was already too late. We had to get back quickly before Brussels pulled down its curtains. Marc, Patrice, Olivier and Tara had done an extraordinary job of sequencing (every Friday in March) and connection (artists in resonance every evening).

Iain & Chris wanted their third film, Asylum (2000) - a film about a mysterious virus that wiped out cultural history - to come first. "Year Zero + 14", after the virus, they remain fragments, images. Kaporal, a retired agent, has been summoned to restore meaning to the fragments of a pre-viral project from before Year Zero. These film excerpts show a young woman sound recordist, Agent Matthews, collecting sound clues about Françoise Lacroix, who disappeared during the making of The Falconer. It turns out that Agent Matthews would like to reunite Lacroix with her twin sister - an initiative that Sinclair believes could throw time itself off the rails.

Asylum bears witness to that precise moment in our contemporary prehistory when digital begins to be popularized but still coexists with their analogy (re-filmed digital video, super-8 mm and "multimedia" graphic design, as it was once called). In the conversation that followed, Iain & Chris showed to what extent Asylum was already in the 90s a desperate enterprise. Hence the subtitle, The Final Commission.

 

On the second Friday, the day before the lockdown, Iain was preparing his return to London. A few of us (it wasn't a screening but a session, maybe an oracle) watched The Falconer (1998), Iain & Chris' second collaboration. There is a connection with AsylumThe Falconer was originally conceived as a first film in a series that was to be called The Perimeter Fence, devoted to marginal figures in culture and the arts, especially those outside the "perimeter". In The Falconer, Françoise Lacroix is the falconer's daughter. She disappears at the end of the film.

Everything becomes clear. Maybe there is no logic, as Iain & Chris said on the first Friday about Asylum, but it all makes sense. Lacroix disappearing at the Weldon Kees, her car parked on a pier "under the seventh point of the M4". Matthews is looking for Lacroix. Perimeter fence.

Lots of Horus inside. The Falconer began as a documentary film project around Peter Whitehead, a legendary figure of the very libertine Swinging London, but very early on the direction mutated into a subtle work of exorcism in the face of a malignant entity. Iain & Chris tamed the beast. Chris talking in the dark, side view, black silhouette. The falconer spitting out his rage towards Chris, because "he [Chris] always desynchronizes image and sound". It is Iain, the poet & conductor of chaos, who brings a serene conclusion, towards the end of the film, after Kathy Acker's tirade, who disappeared one year before the film was shown (like the poet Ed Dorn in Asylum). It is in fact Acker who puts into words the sinister nature of the falconer and saves Lacroix by helping him dye his hair, producing a twin with black hair. A magical act.

 

What is below is like what is above. At the same time as these two films (in a way twins melting in a close-up grammar) were projected upstairs, London Orbital (2002) was looping downstairs.

After these two Fridays, the stop, the lockdown.

The fourth film, The Cardinal and the Corpse (1992), the first in the series, is waiting for us at the beginning of the year.

 

Adolfo Barberá del Rosal

 

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